
Sous les falaises du Grand Veymont, autour du Mont Aiguille, sur les hauts plateaux de cette « forteresse naturelle » qu’est le Vercors, je vous emmène parcourir les sentiers, entre Drôme et Isère à la rencontre de l’Histoire et de la géographie…
Ma rencontre lecture avec Antoine de Baecque, écrivain voyageur, auteur marcheur, historien des montagnes fût
une rencontre virtuelle très agréable, des moments de lecture inoubliables pour qui aime comme moi l’histoire, les grands espaces, la randonnée, l’altitude, la solitude et l’immensité des grands plateaux.
Autant de moments savoureux et épiques entre la grande Histoire transplantée ici in situ, frappante et très troublante, autant de chemins empruntés par les résistants en 1944, autant de lieux plus intimes retrouvés, le tout sous la forme d’un carnet de voyage, un excellent guide pour cette balade dans le Vercors…
Et puis la référence constante à Jean Giono dès les premières phrases de ce beau livre de chevet que peut être Ma forteresse… De quoi attiser la curiosité !
« Depuis deux où trois jours je m’impatiente, je ne tiens plus en place, excédé par ma vie urbaine trop occupée. Je fais tout à l’arraché, vite, trop vite passé ; amusé parfois, essoufflé souvent. Comme si tout cela ne servait à rien en fin de compte qu’à me faire languir devant l’évènement vraiment important : le départ pour la marche et le retour au Vercors. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse
« J’arrive mes montagnes ! Fermez la porte derrière moi »…
(Jean Giono – L’eau vive)
» A l’instant de retrouver la montagne, mes angoisses se mêlent d’un fort sentiment de liberté – Passer un mois seul -, et de retour à moi-même – revoir un lieu qui m’est cher. Être seul et endurer mon corps en éprouvant la marche ; retrouver la montagne et me retrouver. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse
Le Trièves et Lalley…
« Si je commence cette marche à Lalley et par le Trièves, c’est pour rendre hommage à Jean Giono, qui séjourna longuement ici et aimait profondément ce petit pays singulier ne ressemblant à aucun autre. Même au sein du Vercors le Trièves est à part. (…)
Giono séjourna en Trièves et plus particulièrement à Lalley en 1931, 1935, 1939, (…) Il est entré en Trièves comme dans un monastère ce « cloître des montagnes », cette « Chartreuse matérielle » (…) surmonté « d’un ciel de montagnes. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse




« (…) Ce pays Giono le parcourait à pied, en ami, « On ne peut connaître que par l’approche et la fréquentation amicale. Et il n’y a pas de plus puissant outil d’approche que la marche à pied dans l’amitié d’une montagne. On invente ici depuis des siècles des procédés de culture, de teinture, de greffes et d’élevage. Les fruits sont délicieux et on y déguste un petit vin de Prébois des vignes du Trièves ». »
Antoine de Baecque – Ma forteresse

où Jean Giono résidait lors des séjours en famille.
Tout comme Antoine de Baecque, ce sont les lectures de Jean Giono qui m’ont tout appris sur ce petit territoire secret qu’est le Trièves… Au point de toujours provoquer un détour lors de nos descentes dans le sud !
C’est à Lalley que j’ai aussi découvert la présence d’Édith Berger, artiste peintre et amie de Giono.



« Giono aimait le Trièves (…) Il le connaissait comme sa poche. C’est par lui que je me suis attaché à ce coin. Cela a sans doute commencé par mon père, qui était un grand lecteur de l’écrivain. Lui aussi, avant moi, c’est par Giono qu’il a été attiré vers le Trièves et sa sentinelle (…). Mon père a sûrement déposé en moi ce goût pour la littérature, pour le texte sur la montagne et ses descriptions de paysages. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse
En arrivant à Chichilianne, le pays du Roi…
Dans la quête du Vercors de son enfance, Antoine de Baecque poursuit son périple en empruntant encore et toujours les chemins de l’oeuvre de Giono, le voici à Chichilianne :



« Me voici à Chichilianne, à nouveau, très précisément sur les traces de Jean Giono. ‘Un Roi sans divertissement’ s’y déroule. (…) Ce lien à Chichilianne dit beaucoup de mon lien à la montagne, à cette montagne, rapport qui est à la fois, sensible, physique, pédestre, biographique et, par ailleurs livresque, érudit, façonné par les lectures. Giono a contribué à me faire aimer la montagne et à m’y ramener, hier comme aujourd’hui, parfois avec ce rapport sarcastique que j’aime tant chez lui.
Je parviens à l’hôtel après 19 heures, crevé…(…) Le temps d’une douche et me voici à table (…)
La nuit s’est déroulée comme il en existe parfois en randonnée, (…) mal ! (…) Et puis entre cinq et huit heures, sommeil réparateur. Tout a disparu. Petit déjeuner, avec de la crème de châtaigne sur du pain moelleux et croustillant. Ça va mieux. J’ai une grosse journée de montagne devant moi, mais plus rien ne me fait peur.
Au matin, en sortant de l’hôtel, au croisement d’une épingle à cheveu, j’entrevois le grand hêtre de Frédéric.. ».
Antoine de Baecque – Ma forteresse




C’est le début du chemin qui mène sur les lieux de Résistance, au Pas de l’Aiguille.
« Le plus délicat consiste sûrement à rendre compte par l’écriture de la subtilité et de la complexité de ce pays. La marche y parvient, car elle tourne, retourne, contourne, traverse, croise, monte, grimpe, descend, dévale.
Mais le texte ? Je suis bien placé ici devant mes limites, non pas pédestres mais de style et de forme. C’est pourquoi Giono est un guide sûr, un maître du texte-paysage, où le récit, la fiction, peuvent soudain s’infiltrer par la marche dans l’écriture. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse
« Le Mont Aiguille ne semble présenter aucun accès sur ces quatre versants, c’est pourquoi il fut surnommé « Mons Inascensibilis ». En 1492, le roi Charles VIII, en route vers l’Italie, passa à ses pieds et décida, par défit et pour montrer sa puissance, d’y envoyer une équipe « d’escalleurs » dirigée par le capitaine Antoine de Ville. La voie choisie emprunte la face nord.(…) Aujourd’hui, c’est toujours par cette partie du rocher, désignée comme la « voie normale » que passe la majorité des vainqueurs du Mont Aiguille. Pile en dessous de l’immense roc, on découvre l’hôtel du « Gai soleil du Mont Aiguille ».(…) De là, on monte au pas de l’Aiguille. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse
« Le Vercors est une montagne où la mort surgit au coin du bois. »
Ici dans le Vercors, chaque village, chaque sentier, chaque montagne, chaque plaine, chaque forêt, chaque plateau, trouve la trace de cette Résistance qui prend alors toute son importance, même si le passé est déjà lointain.
Partir en randonnée c’est forcément rencontrer un ou plusieurs maquisards, découvrir souvent leur fin tragique et violente.
Les lieux de mémoire, qu’ils soient encore debout ou sous la forme d’hommage et de reconnaissance … Une ferme isolée par-ci, un musée par-là, un refuge, une cabane, un Mémorial, un monument, une nécropole, des sépultures, foisonnent sur tout ce petit territoire…
Il me serait difficile, la tâche est bien ardue, de raconter le destin de tous ces valeureux jeunes gens et jeunes filles. je vais donc m’attacher à quelques-uns et mettre mes pas dans ceux d’Antoine, lui qui a su si bien les faire vivre au sein de ce récit.
Direction du Pas de l’Aiguille…
« Je distingue bientôt une croix de Lorraine, sur une butte placée au-dessus du chemin du Pas de l’Aiguille et quand je m’approche, un petit cimetière contenant cinq tombes… »
Je laisse Antoine poursuivre son périple dans les paysages de son enfance, Diois, Archiane, Gervanne, hauts plateaux, Glandasse, Romeyer, Grand Veymont…
Il n’est pas seul, toujours accompagné de ces vaillants maquisards, devenus au fil de la route ses fidèles compagnons.
Nous allons le retrouver dans des lieux qui me sont connus, ceux que je pourrais plus aisément décrire et partager.
Arrêtons-nous un moment dans la plaine, à Vassieux, Vassieux-en-Vercors…
En arrivant à Vassieux-en-Vercors …
« Après trois heures de route, je passe par Vassieux. J’ai décidé de visiter le Mémorial de la Résistance, construit il y a vingt-cinq ans environ au col de La Chaux. J’en sais quelque chose puisque j’ai participé au concours lancé pour sa conception. (…) La plaine de Vassieux, avec ses doux vallonnements, a naturellement été choisie par les maquisards pour installer un petit terrain d’aviation, avec sa piste d’un kilomètre de long et de 150 mètres de large. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse


Le lieu honore les victimes des évènements tragiques de l’été 1944 , Cette nécropole rassemble 187 tombes, à la fois civiles et militaires.
Au dessus est le col de La Chaux.
« Je grimpe au col de La Chaux, qui domine Vassieux, où est construit le Mémorial de la Résistance. Il est superbement conçu et situé en belvédère sous le sommet du col. Son béton se fond dans le calcaire du Vercors, même couleur, même minéralité, et ses pelouses rases dans celles de la montagne. (…) De plus, son aspect « blockhaus », à moitié enterré en fait un ouvrage militaire qui s’adapte au thème de la Résistance. (…) Je redescends sur Vassieux, village reconstruit qui, hors du circuit mémoriel, ne présente guère d’intérêt , puis je poursuis jusqu’à l’auberge du Tétras-Lyre, confortable établissement où je vais passer la nuit. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse

Rejoignons Antoine entre le plateau d’Ambel et celui de Font d’Urle en descente sur le pays du Royans :







« je pars pour une boucle de 3 jours en Royans. (…)
J’adore marcher dans cette partie ouest du Vercors, ce verdoyant Royans, ses rivières, ses rochers découpés à la hache, ses ravioles, ses noix et son Saint-Marcellin. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse
A l’approche de Pont-en-Royans…

« Je me remets en route pour la dernière heure de marche jusqu’à Pont-en-Royans, (…) l’arrivée dans le bourg est absolument sensationnelle, quand l’eau furieuse, après avoir creusé et déchiré la roche, se calme d’un coup, s’étale et vient lécher le pied des hautes maisons grises et jaunes sagement alignées le long de la rivière. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse





Villard de Lans, Corrençon, Lans-en-Vercors, Autrans et Méaudre…





« J’ai pris une petite chambre à l’auberge des Quatre Montagnes, où je séjourne pour trois nuits, et à partir de laquelle je compte rayonner en explorant précisément ces quatre montagnes, celle de Lans, de Villard, De Corrençon et de Méaudre. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse
« Je monte au col de l’Arc via la cascade et le vallon de la Fauge, (…) je me décide pour la vire en balcon qui atteint le pied du pic Saint Michel.(…)
Ce n’est pas très loin, c’est à la ferme des Allières, aujourd’hui devenue une auberge d’altitude, qu’était établi le Camp 2 du maquis. Dans la clairière, près d’une centaine de combattants logeaient dans les cabanes forestières ou sous des toiles de tente.(…)
Je débouche plus bas sur les lumineuses prairies qui entourent Corrençon, son village groupé serré autour de son église. (…) la journée se conclut par le vallon de la Narce, dans une ambiance très « alpage de la Suisse éternelle ». »
Antoine de Baecque – Ma forteresse




Le chemin de Valchevrière , village martyr.



On y retrouve les Lieutenants Chabal et Passy.
La tombe no 87 de la Nécropole de Saint-Nizier-du-Moucherotte porte le nom du lieutenant Chabal.
« Je progresse le lendemain matin par temps plus clair, le long d’un superbe chemin forestier. (…) Le chemin de croix de Valchevrière aligne ses stations. (…) Voici une vaste clairière d’herbe tendre, le Valchevrière. (…) On comptait une centaine de personnes dans le hameau en 1830, pour quinze feux. (…) deux incendies ravagent les lieux en 1842 puis en 1859 précipitant une détresse matérielle qui inverse la courbe démographique.(…) L’école ferme définitivement ses portes en 1932.
(…) Au printemps 1944, Valchevrière devient un camp de regroupement et d’entraînement, accueillant jusqu’à 120 hommes. En Juillet 1944, François Huet, chef militaire du Vercors, fait du verrou de Valchevrière le centre de son dispositif , dont la garde est confiée au lieutenant Abel Chabal et ses chasseurs alpins. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse




« Les 22 et 23 juillet, les troupes de la Wehrmacht s’infiltrent par la route forestière de Villard-de-Lans, le 22 en début d’après-midi, un premier affrontement a lieu à Bois Barbu où 20 maquisards sont tués au combat.(…) Les troupes allemandes reviennent le lendemain matin, supérieures en nombre, armées de mortiers dévastateurs. Submergés les maquisards reculent.(…) Là, les lieutenants Chabal et Passy ainsi que cinq de leurs soldats du 6 ème bataillon de chasseurs alpins, se sacrifient pour que le hameau puisse avoir le temps d’être évacué.(…)
Les troupes allemandes investissent le vallon et incendient les maisons et les bâtiments à l’aide de grenades au phosphore, n’épargnant que la chapelle. Elle est toujours intacte … »
Antoine de Baecque – Ma forteresse

Quand on est sur la route, en quittant le site de Valchevrière on peut grimper jusqu’au plateau de Château-Julien ou bien encore descendre vers la jolie plaine d’Herbouilly, havre de paix à ce jour …(Là se trouve les ruines de la ferme d’Herbouilly, poste de commandement de Jean Prévost, alias Capitaine Goderville).






« Je poursuis par la montée douce et régulière d’une route forestière qui me découvre le plateau de Château Julien et sa grande clairière sommitale, magnifique plaine de tourbière d’altitude. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse




« Le passage par la grande prairie d’Herbouilly en contrebas procure une autre sensation, celle d’arpenter un paysage ouvert à la rêverie, le plus propice qui soit, tant physique que mentale, où l’imagination se trouve continûment relancée par la topographie. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse
Le col de Romeyere, la forêt des Coulmes, le tunnel des Écouges et Rencurel …
C’est là que nous rejoindrons Antoine…
« J’entre dans la forêt des Coulmes par la combe de Rencurel, verte vallée remontée lentement de pré à vaches en pré à vaches… »
Antoine de Baecque – Ma forteresse



« Aux Écouges, à la sortie du tunnel, quelques pas proposent une vue plongeante spectaculaire, sur une sorte de canyon » (…)
Antoine de Baecque – Ma forteresse


(…) « Je poursuis mon chemin jusqu’à la route forestière de la Nave, (…) je monte au Bec de l’Orient, magnifique belvédère calcaire, portant une simple croix, à 1500 mètres, dominant la vallée de l’Isère. (…) Je descends vers les Gélinottes par l’épaisse forêt de Gève… »
Antoine de Baecque – Ma forteresse


Poursuivons jusqu’au plateau de la Molière au dessus de Lans-en-Vercors, cet endroit très doux est saisissant de beauté…
« La Molière et ses petites falaises ciselées dans le marne. Cette Molière est l’une des perles du Vercors, magnifique vallon suspendu pourvu de son gîte d’alpage, où l’on mange très bien. La douceur des courbes et des couleurs – un vert tendre unique – fascinent tout visiteur. Le temps qui se lève, avec de timides rayons de soleil, enjolive encore l’endroit si cela est possible. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse






Le Plan Montagnards du Vercors imaginé par Pierre Dalloz en 1941…
« Pierre Dalloz, architecte et urbaniste, intellectuel, ami des écrivains Antoine de Saint-Exupéry et Jean Prévost (…) : En recevant son ami Prévost dans sa maison des côtes de Sassenage, (…) Dalloz aurait confié, en désignant les falaises du Vercors à l’aplomb : » il y a là une sorte d’île en terre ferme, deux cantons de prairies protégés de tous côtés par une muraille de Chine. Les entrées sont peu nombreuses, toutes taillées en plein roc. On pourrait les barrer, agir par surprise, lâcher sur la région des bataillons de parachutistes. Puis le Vercors éclaterait sur les arrières de l’ennemi.
Faire du Vercors une forteresse combattante, tel est le projet que Dalloz met par écrit sous le nom de Plan Montagnards.«
Antoine de Baecque – Ma forteresse
Nous arrivons bientôt au terme de ce périple, au nord du massif, du côté de Sassenage et de Saint-Nizier-du-Moucherotte…
« Il règne une triste ambiance ce matin pour mes deux derniers jours de marche dans le Vercors, autour de Saint-Nizier et Sassenage, les deux portes nord du massif.
« Quand il fait moche ici ce n’est pas gai… » lâche le patron de l’auberge des Trois Pucelles, du nom du rocher triplement découpé qui domine le village, (…) le tremplin de saut à ski, à l’aval, abandonné depuis 40 ans, est en piteux état, mais cela lui donne la valeur décomposée et l’authenticité mélancolique d’une relique, celle de la gloire passée des Jeux Olympiques de Grenoble 1968. (…) Où l’on retrouve Pierre Dalloz ! L’architecte et alpiniste, concepteur du Plan Montagnards, est précisément celui qui a dessiné et imposé le tremplin des Jeux Olympiques sur « son » Vercors, quasiment au-dessus de « sa » maison de Sassenage, comme un dernier hommage à la Résistance. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse
« Je retourne vers le village et pousse jusqu’à la nécropole nationale, (…) impossible de rater le mât et le tricolore majestueux qui y flotte. J’éprouve là, sans m’y attendre , une sincère émotion, à la vue des tombes de Jean Prévost, de Léa Blain, de l’adjudant Chabal, tous ces héros que j’ai pu croiser dans la mémoire du Vercors. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse



« J’amorce , le lendemain en début d’après-midi après une matinée de lectures, ma descente définitve vers Grenoble, dernier moment de marche dans le Vercors. Je longe le Furon .(…)
Mon but, en terminant par les hauts de Sassenage, consiste à retrouver l’endroit où est mort Jean Prévost, l’un des héros de mon récit, celui auquel je rêverais – peine perdue je le sais bien – de ressembler. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse
Pour Jean Prévost, hommage au Capitaine Goderville…
Le 1er août 1944 tombait, au pied du Vercors, Jean Prévost, alias capitaine Goderville, les armes à la main. Il avait quarante -trois ans, la fureur de vivre libre et la passion d’écrire…
Jérôme Garcin – Pour Jean Prévost (quatrième de couverture)
Où il est encore question de Jean Giono, à la ferme Durand où les maquisards sont réfugiés…
« C’est alors que l’aîné, tout chef de maquis et capitaine Goderville qu’il soit – un nom qui vient du village de son père, en Normandie – se lance dans un vibrant plaidoyer pour l’art de l’écrivain provençal, qu’il voit comme le grand inventeur du paysage en littérature, le créateur de la forme de prose, qui le touche le plus, celle de la nature réincarnée par les mots. Et cet homme de devoir, qui allait mourir si peu de temps après, de citer, inspiré, un passage qu’il connaît par coeur : « Voilà enfin le soleil. Il s’est abaissé plus bas que le plafond des brumes. Il glisse maintenant entre le mont où se reposent les troupeaux et les rochers de la Tazelle. Il est acide et rouge. Il souffle du vent en même temps que de la lumière. Il vole rasant la terre comme un oiseau de marais soulevant du battement de ses ailes l’odeur des sous-bois pourrissants. Ce morceau de monde que je vois autour de moi a pris comme un relief magique. La lumière est à hauteur d’homme. »
Je me retiens d’applaudir une si intense défense de Jean Giono. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse



« Peu après , je descends à mon tour vers le site impressionnant, du passage des gorges, les Portes d’Engins. (…) J’imagine que Goderville et ses hommes sont passés par là, il n’y a pas d’autre issue possible pour sortir du Vercors. C’est bien le problème, puisque, exactement là, au débouché de ce guet-apens minéral, Jean Prévost et ses derniers compagnons ont été cueillis par une mitrailleuse allemande qui bouchait le passage. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse
« PASSANT , ARRÊTE-TOI. »
« Je rejoins le pont Charvet et découvre, écrit sur une simple feuille plastifiée accrochée au rocher, à quelques mètres de la stèle dédiée à Goderville et à ses compagnons, la tragique histoire de la mort de Jean Prévost. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse
« Jean Prévost et quatre de ses camarades ont choisi de gagner Grenoble , armes au poing. Le 1er août, à sept heures du matin, ils descendent les gorges d’Engins. Il fait plein jour quand jaillissant d’un petit chemin ombrageux dit le Pas-du-Curé, les cinq hommes arrivent au pont Charvet.
Le village de Sassenage est à cinquante mètres. D’un côté, la falaise, de l’autre, le torrent. Un vrai piège. Les allemands, qui patrouillent ouvrent aussitôt le feu sur le petit groupe. Tous sont tués. Le soleil éclaire d’une lumière crue les cadavres abandonnés : celui de Prévost, visage défiguré, gît dans le lit du torrent, où l’athlète s’est écrasé après avoir effectué, par dessus le parapet son dernier saut… »
Jérôme Garcin – Pour Jean Prévost
Dernière escapade au plateau de Gève, paradis du ski nordique et du biathlon…
Au dessus d’Autrans, autre paradis du ski de fond, site célèbre des Jeux Olympiques d’hiver de Grenoble 1968 se trouve l’immense champ de neige de Gève et son fameux refuge où l’on se régale des célèbres ravioles de Romans très bien cuisinées.
« Me voici parvenu au refuge de Gève, qui abrita en 1943-1944 le Camp 3 du maquis. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse


« le 2 février 1944, pris dans la tempête de neige, un quadrimoteur Lancaster de la Royal Air Force, volant à trop basse altitude, s’est écrasé près du lapiaz du Bec de l’Orient.(…) Les sept aviateurs anglais sont morts. l’explosion fut si puissante qu’on l’entendit d’Autrans. Les maquisards de Gève récupérèrent les sept corps le lendemain, qu’ils dissimulèrent dans une grotte sous la neige ; Les aviateurs anglais ne furent enterrés au cimetière d’Autrans que le 22 août 1944, le jour de la libération de Grenoble, alors que les allemands avaient fui la région deux jours auparavant. »
Antoine de Baecque – Ma forteresse



C’est ici que se termine ma route , celle où je suis venue me perdre dans les pas de l’écrivain, une route où j’ai croisé la Grande Histoire, celle des chemins empruntés par les maquisards, autant de moments vécus pour moi aussi in situ, celle aussi des chemins liés aux souvenirs de jeunesse de l’écrivain…
Merci à lui de m’avoir fait découvrir quelques secrets de ce Vercors magique.
De nombreuses randonnées, beaucoup de photos et quelques pierres glanées plus tard, je ferme les yeux, je reconnais les lieux, je ne les oublie pas, je revis ces moments d’exception et je rêve de repartir bien vite …

Quelques bonnes adresses pour déjeuner, dîner et déguster les ravioles au bleu du Vercors :
- Aux plaisirs du Vercors – Vassieux-en-Vercors – Bonne table toute simple – accueil très sympathique et terrasse agréable
- Hôtel restaurant du col de l’Arc – Lans-en-Vercors – très bonne table et belle ambiance.
- Restaurant du musée de l’eau – Pont-en-Royans – Belles assiettes et belle terrasse.
- Refuge de Gève – Autrans – Belle table champêtre au coeur du plateau.
- Auberge des Allières – Lans-en-Vercors – Belle table champêtre, ambiance montagnarde.
- Restaurant chez Mamie – Villard-de-Lans – Bonne table et belle terrasse.
- Refuge de la Molière – Autrans – Havre de paix au coeur des montagnes, repas et goûter – Produits de pays.
- Altitude 2000 – Villard-de -Lans – pour boire un verre sur les pistes, aussi restaurant.
- Vercors lait – coopérative produits de pays et fromages – Villard-de-Lans.
À voir, à visiter, à randonner :
- Musée de l’eau – et le village de Pont-en-Royans.
- Musée de la Résistance -Vassieux-en-Vercors.
- Mémorial de la Résistance – Vassieux-en-Vercors.
- La nécropole de Vassieux-en-Vercors
- La nécropole de Saint-Nizier-du -Moucherotte
- Les ruines de Valchevrière – Villard de Lans
- La nécropole du Pas de l’Aiguille – Chichilianne
- La Plaque gravée en hommage aux combattants du Vercors – Sassenage
- Le tremplin de saut à ski des jeux de Grenoble 1968 – Saint-Nizier
- Belvédère vertige des cimes – Lans-en-Vercors – panorama vertigineux.
- Le plateau de la Molière – Autrans.
- Le plateau des Allières – Lans-en-Vercors.
- Le plateau de Gève – Autrans.
- Le bec de l’Orient – Autrans.
- La Côte 2000 – Villard-de-Lans.
- Les gorges de la Bourne – entre Villard-de-Lans et Pont-en-Royans.
- Le belvédère de Château Julien – Villard-de-Lans.
- L’espace nordique d’Herbouilly – Saint-Martin-en-Vercors.
Où coucher :
- Gites de France – La petite École – Lans-en-Vercors.
À lire :
- Ma forteresse – Antoine de Baecque – Paulsen, (démarches).
- Pour Jean Prévost – Jérôme Garcin – Poche Folio.
- Jeunesse – Pierre Nora – Poche Folio.
- L’eau vive – Jean Giono.
Michèle Reymes – Octobre 2025