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Gréoux-les-bains, l’oasis romantique du Verdon…

Le charme de Gréoux…

Gréoux-les-Bains (anciennement orthographié Gréoulx) se situe au coeur de la Haute-Provence, aux portes des gorges du Verdon. C’est une station thermale réputée, le bienfait de ses eaux convient aux rhumatismes et aux voies respiratoires mais c’est avant tout un gros village provençal de caractère.
Jean Giono venait se reposer à Gréoux, il quittait l’été les grosses chaleurs de Manosque pour se réfugier chez ses amis Cadière .
Antoine Cadière était le directeur de l’établissement thermal , l’écrivain venait de ce fait y soigner sa goutte. C’est là dans cette propriété décrépite mais pleine de charme qu’il a reçu pendant plusieurs mois Jean Amrouche et Marguerite Taos-Amrouche pour l’enregistrement de ses entretiens. (1)

Lettre à Marguerite Taos-Amrouche (1) :

« Chère amie, (1948) Je désirerais aussi vous avoir pendant quelques temps ici pour que nous orchestrions plus soigneusement que par lettre ce qui doit être fait. Voilà ce que je vous offre. Il y a ici, à cinquante mètres de chez moi, plein soleil, trois pièces. Elles sont à vous. Venez , et venez tout de suite. »
Jean Giono –  J’ai ce que j’ai donné
Triste sort pour la maison de monsieur Cadière…

Aujourd’hui la maison de monsieur Cadière, propriétaire des thermes de Gréoux de cette époque, est réduite à l’état de ruine, quatre murs noircis et en partie effondrés, envahis de végétation et de ronces. La société des thermes à qui elle appartient maintenant l’a laissée à l’abandon, elle a aussi été utilisée lors d’exercices incendie par les pompiers de la ville. Hélas il n’y a plus rien à en faire…!! C’est beau et c’est triste, les ruines, ces lieux qui ont vécu, ces murs qui ont abrité et entendu tant de choses réduits aujourd’hui au silence et à l’abandon…

« Ce pays a un charme »

Le charme des berges du Verdon


Écoutons ce que Jean Giono a à nous raconter…

« Je ne connais pas d’endroit plus guérisseur de l’ennui que Gréoulx.
De même que cet endroit béni guérit les rhumatismes avec les vieux remèdes des eaux plus anciennes que le monde… Ce pays dont je veux énumérer les charmes guérit l’ennui avec les remèdes créés par Dieu à cet usage. Les seuls remèdes, à mon avis et j’aimerais bien qu’on soit dès l’abord d’accord avec moi sur ce point. »
Jean Giono – Provence
Les thermes gallo-romains de Gréoux

Juillet 1949 – extraits de lettres de Jean Giono à son épouse Élise et à ses filles :

« …Avant de faire ma valise j’ai voulu, ma petite Zizi, te faire tout de suite ce mot parce que je sais qu’au fond, tu languis un peu. Je te récrirai de Gréoux après avoir vu le docteur et commencé la cure… » 

« …Il fait ici le Sénégal !! Ici, cependant, ne veut pas dire Gréoux où les hauts ombrages, la maison fraîche où je suis, sont délicieux. (…)
Moi, j’en suis maintenant à 30′ de bain par jour. Je me sens merveilleusement bien. C’est tout à fait miraculeux. Tout de suite après le bain je me recouche très couvert ! pour deux heures de repos absolu. (…) Je retourne voir le Dr mercredi pour qu’il marque l’horaire suivant. (…) pour l’instant il dit que je suis dans une forme parfaite. La tension dont je t’ai parlé est à son avis, quoique un peu élevée, tout à fait négligeable et d’ailleurs, dit-il passagère (…) Pour la première fois, je suis absolument seul. Les Cadière, qui sont des anges, montent une garde sévère autour de moi. Je passe des jours sans dire un mot. C’est un délice. Tu auras cet hiver un mari tout neuf et les filles auront un papa plus jeune qu’elles !! »

« C’est pourquoi je reste à 30′ de bains par jour. Le Dr m’a dit qu’il attendait encore avant de me donner des remèdes hypotenseurs et que d’ailleurs, il a répété : cette tension n’est pas anormale eu égard au travail intellectuel que vous faites, à la place des remèdes j’aimerais mieux que vous fassiez une cure de silence (ne pas parler) et de solitude. C’est ce que je fais magnifiquement grâce à monsieur et madame Cadière qui sont aux petits soins pour moi et me défendent comme des lions … »
Jean Giono –  J’ai ce que j’ai donné

Ou encore dans Provence :

« Prenez donc le rageur le plus enragé et amenez le ici, par exemple un matin de juin, à l’heure où le ciel hésite entre le bleu dur et le vert tendre, pendant que démarrée des lointaines Alpes, la flotte des nuages s’essaie à des régates pleines de fantaisie, quand le duvet de la nuit brille encore sur les feuilles et sur les herbes.
S’il résiste aux vingt cinq premiers pas qu’il fait sous les tilleuls pleins de fleurs, si le parfum qui gonfle ses poumons ne lui fait pas oublier toutes les odeurs qui jusque-là excitaient ses glandes, si vous ne voyez pas son visage rajeunir à une vitesse stupéfiante, ses yeux redevenir naïfs et sa bouche s’arrondir comme celle des nourrissons, c’est qu’il n’y a plus d’espoir pour lui. (…) Mais je ne crois pas qu’il puisse résister aux vingt-cinq premiers pas. »
Jean Giono – Provence

Aussi ce que Jean Giono fait dire à un certain Mirabeau -Tonneau qui est à la tête des « Hussards de la mort » de la Brigade de Coblence : 

« Sur les conseils de Madame Pierrisnard, j’ai vu Gréoulx (…) 
Dès mon arrivée ici j’ai été payé de ma constance (…) rien n’est plus propre au bonheur, à la paix, à l’élan d’une sereine pensée. Imaginez-moi, entrecoupant de sérieuses confrontations morales avec l’air de Choris si tant est que l’aurore… que je fredonne sans cesse et sans souci de chanter juste. Voilà l’état où m’ont mis et les ombrages et la fraîcheur… » (…)
« Voilà notre Tonneau loin des Hussards de la mort , il est à Gréoulx et il fredonne Lulli (…)
Voici donc ce que disent des charmes de Gréoulx, les voyageurs authentiques ! »
Jean Giono – Provence

Ou à un certain Président des Brosses (Un Bourguignon de Dijon ) :

« Un soir l’étape se fait à Gréoulx par pur hasard :
Vous vous imaginez que je suis en Italie, rien ne va plus vite qu’un fauteuil. Moi qui ne me déplace qu’en réalité, j’approche à peine des abords. Pour tout dire,   je suis en Provence. Plaignez-moi, c’est l’aridité même. Je mendierais le ciel, après quatre jours de soleil infernal, si je n’étais depuis deux jours qui ne devraient jamais finir, dans un village où l’on prend les eaux et qui s’appelle Gréoulx ». 
Jean Giono – Provence

Ou bien à son « bien-aimé » Stendhal :

« Ah ! le cher homme, lui aussi parle de Gréoulx et en quels termes vous allez voir. Mais il n’y est pas venu (…) et que dit-il de Gréoulx ?
« J’ai, dit ce voyageur en chambre, passé la Durance, près d’une chapelle qui domine les galets de ce fleuve tapageur et gris (…) j’y suis arrivé à trois heures de l’après-midi rôti de soleil et couvert de poussière. (…) Ici tout s’est apaisé, mauvaise humeur et démangeaisons. L’eau des bains est onctueuse comme de la crème de lait et je ne connais pas de bonheur plus grand que celui que j’ai eu ensuite : déambuler dans du linge frais sous l’ombrage d’immenses platanes. Il faut dire que la société ici porte sur son visage le ravissement et la paix. C’est contagieux. » 
Jean Giono – Provence

« Le ravissement et la paix… »

La médiathèque Lucien Jacques

C’est à l’occasion d’une première visite à Gréoux à l’été 2015 que nous nous sommes rendus à  l’ exposition Serge Fiorio (2) organisée par André Lombard (3) et Jacky Michel (4) à la médiathèque « Lucien Jacques » (5).

Cet hommage au peintre, dont Jean Giono était le cousin, était riche de belles oeuvres que nous n’avions jamais pu admirer.
André Lombard, en raison de la grande amitié et proximité qui le liait à l’artiste, a su nous faire découvrir l’homme et l’artiste qu’il était.

A l’exposition

Le « Vieux Moulin » de Lucien Jacques

Lucien Jacques (Collection personnelle)

A Gréoux, il faut aussi parler de Lucien Jacques. Ici c’est le siège de l’association des amis de Lucien.
C’est au 10 rue Fontaine vieille que nous avons rencontré monsieur Jacky Michel (4) (fils de Yvon Michel, le cordonnier) et président de l’association.
Nous avons pu découvrir quelques trésors et documents qu’il nous a gentiment montrés et expliqués, retraçant l’oeuvre immense de cet artiste « multi-cultures » et « touche-à-tout ».
Lucien Jacques a résidé à Gréoux les 6 dernières années de sa vie, de 1955 à 1961 et sa maison, le « Vieux Moulin », en ruine lui aussi, se trouve en centre ville tout près des thermes et de la médiathèque. Pendant notre séjour une belle exposition se tenait à la médiathèque, intitulée « Lucien Jacques et l’Egypte ».

« Antoine Cadière, le propriétaire des thermes, mettant le « Vieux moulin » à sa disposition, Lucien Jacques garde sa maison de Montjustin mais part s’installer à Gréoux-les-Bains. (…) Il retrouve avec émotion dans l’atelier du cordonnier Yvon Michel les odeurs et visions de son enfance n’ayant pas eu de vie de famille, il trouvera chez les Michel chaleur et réconfort. »
Jacky Michel – Association des amis de Lucien Jacques
Yvon Michel dans son atelier (photo Gréoux-les-bains)

Yvon Michel le cordonnier de Gréoux parle de son ami Lucien Jacques, le locataire du Vieux Moulin

« C’était un être exceptionnel. Nous l’avons assisté les six dernières années de sa vie, jusqu’à la fin. Pour nous, c’est toujours « hier ». Il est toujours vivant dans nos coeurs. Pour ma part, je sais tout ce qu’il m’a apporté ; par sa sagesse, sa façon si juste de juger les choses dans tous les domaines, par son intelligence (…) je sais ce que j’ai perdu lorsqu’il est mort. »
Extrait d’une lettre de Yvon Michel à son ami Christian Bernard (Bulletin des amis de Lucien Jacques n° 3)

(…) « Dimanche prochain, par exemple, tu ou vous pourriez venir déjeuner à Gréoux. Si décidé, donne un coup de fil au 39, le bistrot (M. Valette) face à Michel le copain cordonnier qui m’avisera. »
Lucien Jacques (5) – Lettre à Alfred Compozet 1955 ( bulletin des amis de LucienJacques n° 12)

« Quelques heures plus tard, nous retrouvions Lucien et le conduisions au Vieux Moulin de Gréoux où il travaillait et demeurait. Trois personnes nous attendaient sur le seuil : Charles Vildrac, son épouse, et une troisième personne à qui nous n’eûmes que le temps de serrer la main et qui partit vers ses occupations. C’était un homme, la quarantaine, les yeux très bleus. Lucien nous appris que c’était le cordonnier de Gréoux, son ami. C’était Yvon Michel, le dernier ami de Lucien.
Christian Bernard 2006 – (bulletin des amis de Lucien Jacques n° 3)

Pour terminer cette agréable promenade, je vous emmène sur les berges du Verdon où vous aurez plaisir à venir vous poser et rêver !!

« Ici le soleil pense tout haut, c’est une grande lumière qui se mêle à la conversation… »
Jules SupervielleEmbarcadère 1922

Pour terminer cette jolie balade culturelle, je vous parlerai moi aussi  de la douceur et du charme de Gréoux et surtout des délicieuses promenades au bord du Verdon…
Lorsque je dis « délicieuses promenades » je pèse mes mots, c’est un enchantement au plus chaud de la journée (et il faisait très chaud pendant notre séjour) que de se réfugier sur les berges de la rivière. Vous y trouverez la fraîcheur des ombrages, une multitude de petits canards et autres petits oiseaux, tout un monde de petits habitants discrets qui jouent avec les roseaux et les rayons du soleil.
Vous trouverez des bancs propices à la lecture, à la rêverie, au repos et à la méditation, le doux bruit de l’eau, tout sera réuni pour vous sentir serein et apaisé…

Quelques bonnes adresses :
Le bar restaurant Les Marronniers – Très agréable terrasse ombragée et bonne cuisine locale (réservation conseillée)
Le moulin à huile de Gréoux – bonne huile d’olive BIO
Le grand marché provençal – le jeudi et tous ceux de la région…
Le centre de congrès de l’Étoile et ses nombreuses programmations.
La médiathèque Lucien Jacques et ses expositions.
– Les nombreux commerçants et restaurants de Gréoux.
– La proximité du lac d‘Esparron-de-Verdon et des villages du Haut-Var tout proche : (Valensole, Puimoisson, Vinon-sur-Verdon, Saint-Julien-le-Montagnier, La Verdière, Rians, Saint-Martin-de-Pallières, Varages)…

Michèle Reymes
**Re-lecture Michèle Ducheny

(1) Entretiens Jean Giono- Jean et Marguerite Taos Amrouche -Éditions Gallimard.
2) Serge Fiorio : Artiste peintre, dont Jean Giono était le cousin.
(3) André Lombard : Ami de Serge Fiorio, auteur de Pour saluer Fiorio et Habemus Fiorio aux éditions La Carde Editeurs et du blog Serge Fiorio canalblog.
(4) Jacky Michel : Président de l’association des amis de Lucien Jacques, fils d’Yvon Michel.
(5) Lucien Jacques : Poète, peintre, sculpteur,  danseur et grand ami de Jean Giono.