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Le Mont Aiguille, sentinelle du Vercors « L’admirable monde »…

Une émotion toute particulière…

Quand on a passé Grenoble, une dernière aire de repos et c’est la fin de l’autoroute A 51. Là il faut obligatoirement marquer l’arrêt, le grand spectacle commence…
Il faut savoir prendre son temps, lever les yeux et savourer avant de continuer…
C’est le balcon Est du Vercors, une sorte de forteresse imprenable faite de vertigineuses falaises de calcaire bordées de hauts-plateaux et de belles forêts qui semblent partir à l’assaut des sommets.
Il faut comprendre que ce sont des espaces capables de soulever une émotion toute particulière, le coeur se serre un peu et s’emballe, les yeux sont humides, c’est tout simplement parce que c’est très beau et que l’on est heureux de tant de beauté !

Une dernière aire de repos qui laisse présager de belles choses…

Vercors insolite et douceur du Trièves

Cette année une visite s’impose.
Celle de faire un détour par Chichilianne et m’approcher au plus près de ce mont Aiguille qui culmine à 2 087m d’altitude, le « mont invincible », celui que j’ai toujours contemplé de loin et qui me paraissait inaccessible. Chichilianne c’est une petite commune du Trièves, agréable, calme et tranquille, un lieu chargé d’histoire, paradis des randonneurs et de l’escalade. Ce village est posé au pied du Mont Aiguille et du Grand Veymont (point culminant du Vercors avec 2 341m) dans un décor très champêtre.

« Et c’est ainsi que je me suis trouvé un jour à Chichilianne, petit village du Trièves. Qui connaît le Trièves ? Faute de correspondre à une entité administrative, ce nom ne figure, pour ainsi dire, sur aucune carte. Précisons donc tout de suite qu’il se trouve au sud de Grenoble en direction de Gap, à l’est du massif du Vercors. »
Dominique Le Brun – Le Bâton de Colline, sur les chemins de Provence en lisant Giono.

« Le Trièves forme un embrouillamini de collines, de vallées, de plateaux dans le sud de Grenoble, entre les falaises du Vercors, le cours du Drac et le massif du Dévoluy (…) Giono y trouva un pays de caractère qui ne manqua pas d’exciter son imaginaire pourtant fécond. »
Dominique Le Brun – Le Bâton de Colline, sur les chemins de Provence en lisant Giono.(1)
Le Trièves

Jean Giono s’est attaché au Trièves à la suite de la visite que lui avait faite à Manosque le peintre Édith Berger qui s’était installée à Lalley où elle occupait les fonctions de secrétaire de mairie.
C’est après avoir passé l’été 1931 à Saint-Julien-en-Beauchêne, un peu plus bas, que Jean Giono vient pour la première fois en Trièves. Pendant ces étés-là il occupera à Lalley la maison louée par le maire de la commune. Plusieurs de ses romans auront pour cadre cette terre d’inspiration et notamment Un roi sans divertissement qui se passe en partie à Chichilianne. (source : Le Trièves de Jean Giono)

À Chichilianne, « Un roi sans divertissement »

« Le roman nous promène dans toute la partie du Trièves qui monte vers le col de la Croix Haute (…) On entre avec Frédéric dans Chichilianne, au pied du Mont Aiguille, on suit Langlois à Sainte-Baudille, et même jusqu’à Grenoble, mais on a constamment le sentiment que le paysage familier, si reconnaissable soit-il, prend peu à peu une autre signification, devient un lieu magique où s’opère la transformation des individus à la recherche de leur vérité intérieure, fût-ce le monstrueux qui réside en eux. »
René Bourgeois et Jean Serroy – Patrimoine en Isère.(2)

« Frédéric a la scierie sur la route d’Avers. Il y succède à son père, à son grand-père, à son arrière-grand-père, à tous les Frédéric. »
Jean Giono – Un roi sans divertissement
Petit clin d’oeil à la scierie de Frédéric sur la route d’Avers…

« M.V. était de Chichiliane (3), un pays à vingt et un kilomètres d’ici, en route torse, au fond d’un vallon haut. On n’y va pas, on va ailleurs, on va à Clelles, on va à Mens, on va même loin dans des quantités d’endroits, mais on ne va pas à Chichiliane. On irait, on y ferait quoi ? On ferait quoi à Chichiliane ? Rien. (…) C’était donc très extraordinaire Chichiliane.
Jean Giono – Un roi sans divertissement
Chichilianne, la place de l’église.

« Cette fois Frédéric II prend le pas de course. C’est ainsi qu’il tombe tout à coup sur un village dans lequel l’homme est en train d’entrer (…) Mais l’homme, après la grande rue, traverse la place de l’église. Il entre dans une autre rue, très belle et très propre ; large ; Les maisons sont cossues. (…)
Jean GionoUn roi sans divertissement
Mairie de Chichilianne
Le café de la place (anciennement hôtel du Nord et Allemands) Juillet 2023

(…) Il y a deux choses à faire : savoir le nom du village ; ici qu’est-ce que c’est ? (…) et manger un bout de pain. Le nom du village, le plus simple c’est d’aller à la mairie (…) À la mairie, dans le couloir, il n’y a pas besoin d’aller plus loin, il y a l’affiche d’une adjudication de coupe « Mairie de Chichiliane » et maintenant (…) une boulangerie où il achète deux sous de pain et le café de la place où il demande deux sous d’eau de vie dans laquelle il trempe son pain.
Jean GionoUn roi sans divertissement

« Sur les chemins de Provence en lisant Giono… »

Ce sont les romans de Jean Giono qui m’ont fait connaître et aimer cette belle région du Trièves. Opter pour la marche avec un livre à la main est la meilleure solution pour découvrir un pays. La géographie et la littérature ne sont alors qu’un seul et même guide.
Après la lecture d’Un roi sans divertissement, j’ai choisi la compagnie du livre de Dominique Le Brun, Le Bâton de Colline, sur les chemins de Provence en lisant Giono ; c’est ainsi que je suis arrivée à Chichilianne, Lalley et même Saint-Julien-en-Beauchêne. Ces petites enquêtes touristiques et littéraires m’entraînent chaque fois dans des paysages réels ou imaginaires chers à l’auteur.
Je reviendrai à Chichilianne pour approfondir encore mes connaissances et me laisser fasciner un peu plus par cette forteresse de pierre, ce mont solitaire et majestueux (4).

Michèle Reymes
04/10/2023

(1) « Le Bâton de colline, sur les chemins de Provence en lisant Giono » – Dominique Le Brun – Éditions Cheminements.
(2) « Le Trièves de Jean Giono » – René Bourgeois et Jean Serroy – Patrimoine en Isère, Musée Dauphinois Grenoble.
(3) Dans son roman « Un roi sans divertissement » Jean Giono orthographie Chichiliane avec un seul « n ».
(4) Antoine de Ville, seigneur de Lorraine, capitaine de Charles VIII, premier alpiniste à gravir le Mont Aiguille en 1492 et considéré comme un pionnier de l’alpinisme.

Géographie des lieux